Jacqueline Audry | biographie

Jacqueline Audry

Réalisatrice, assistante réalisateur, scripte

 

Mon éducation

Je suis née le 25 septembre 1908 à Orange. Je suis la petite nièce de Gaston Doumergue, président de la République française de 1924 à 1931. J'appartiens donc à une famille de tradition républicaine. Mon père est dreyfusard et ma mère tient à ce que ses filles fassent des études pour être indépendantes et autonomes. Si ma sœur Colette réussit brillamment sa scolarité au lycée Molière de Paris, j'y échoue au baccalauréat.
J'exerce le métier d'antiquaire quelques temps, sans grande conviction, et je fréquente les salles obscures.

Mes débuts au cinéma

Je rencontre Paula Mathé, scripte, qui m'introduit dans le milieu du cinéma. « … Elle fit les courses, tapa à la machine, remplaça l'accessoiriste... Son second film, L'Abbé Constantin, lui valut les galons officiels de scripte-girl ». (Jany Casa, l'homme libre, 1944). Je travaille pour différents réalisateurs, Tourjanski, Decoin, L'Herbier, Siodmark... de 1933 à 1938.
Je sais très vite ce que je veux faire « Tout à coup, j'ai entendu une voix qui dominait les autres. J'ai levé les yeux, protégés par ma main, et en face de moi, j'ai découvert la caméra et ses servants. A côté d'elle, se tenait un monsieur qui avait l'allure d'un capitaine à bord de son navire. Et immédiatement, sans pensées annexes, sans réflexions préalables, avec une fulgurante certitude, je me suis dit : "Ce n'est pas devant la caméra que je veux être, mais à côté, comme ce monsieur qui décide de tout".» (Entretien avec Charles Ford, Femmes cinéastes, le triomphe de la volonté, 1972)

En 1938, je deviens l'assistante du réalisateur Max Ophüls pour son film Le roman de Werther. Je tourne ainsi plusieurs films en travaillant avec Lacombe, Pabst, Delannoy...

Ma carrière de cinéaste

C'est en 1943 que je réalise mon premier film Les chevaux du Vercors, un documentaire de fin d'études du CATJC (Centre artistique et technique des jeunes du cinéma) basé à Nice, où je semble être la première femme à suivre des études de réalisation.
Je réalise mon premier long métrage en 1945 Les malheurs de Sophie dont l'adaptation est de ma sœur Colette, qui m'accompagnera sur de nombreux films, et les dialogues de Pierre Laroche qui deviendra mon mari et dialoguiste. Mais c'est une adaptation très libre du roman, avec un regard différent sur l'éducation et avec l'ajout d'une Sophie adulte, féministe et rebelle. Une première réalisation qui porte « les germes de ce qui deviendra la marque de la réalisatrice, à savoir une manière de contourner les règles, de déjouer les attentes et de se jouer des normes. » (Brigitte Rollet, Jacqueline Audry, la femme à la caméra, 2015)
Je réalise seize longs métrages, ce qui fait de moi la cinéaste la plus prolifique du cinéma français. J'approche tous les genres cinématographiques : comédie, comédie dramatique, comédie policière, film Belle Epoque, de cape et d'épée, politique, western, road-movie, avec au cœur de tous mes films, le féminin « Elle ne manque aucune occasion de mettre en images ses déclarations sur les combats menés par la femme pour sa liberté, dans la société, dans la famille, en amour. » (Jacques Siclier, La femme dans le cinéma français, 1957)

J'adapte Colette : Gigi (1949), Minne, l'ingénue libertine (1950), Mitsou (1956), Huis clos de Jean-Paul Sartre en 1954, Olivia de Dorothy Bussy, premier film à parler d'homosexualité féminine (1951).

En 1957, je reçois la légion d'honneur. C'est aussi l'année de la sortie de mon film La garçonne, adaptation du roman de Victor Margueritte qui fit scandale à son époque, et qui lui valut le retrait de sa légion d'honneur.

Je suis la première femme française au jury du festival de Cannes en 1963.

En 1965, je réalise une série télévisée Le bonheur conjugal en 13 feuilletons de 26 mn, d'après des écrits d'André Maurois de 1949. Comme dans mes fictions, j'aime à montrer le corps féminin, et mon actrice principale en tenues légères suscite quelques réactions. Wladimir d'Ormesson, président du conseil d'administration de l'ORTF n'apprécie guère, mais il m'en faut plus pour me déstabiliser « Si je parle de bonheur conjugal, je ne peux pas omettre le bonheur physique, car pour la littérature, le cinéma et la télévision, il n'y a bonheur physique et intérêt pour ce type de bonheur que hors du mariage. Or il est important que les enfants réalisent pour leur vie future que bonheur physique peut signifier bonheur conjugal » (Jacqueline Audry se défend, TéléMagazine n°502 du 5 au 11 juin 1965, p 9.)

Je reçois le Grand Prix du cinéma français en 1967 pour mon film Fruits amers, adapté de la pièce de théâtre Soledad de ma sœur Colette.

Je co-réalise avec Wojtek Solarz une autre série en 7 épisodes Un grand amour de Balzac diffusée en 1973.

Que je sois une femme et que je fasse des films a souvent intrigué et été source de questionnements, lors d'interviews ou d'entretiens, que ce soit pour la presse écrite, la radio ou la télévision, ce à quoi j'ai répondu en 1955 : « Je suis un réalisateur féminin et c'est pour cela que je pense que la mise en scène est aussi bien un art féminin que masculin. » (Chronique de l'Association des auteurs de films).

Je décède en 1977, à l'âge de 68 ans, d'un accident de voiture.

Mes oeuvres

Scripte (1933-1938)

L'abbé Constantin, Jean-Paul Paulin
Étienne, Jean Taride
Pas besoin d'argent, Jean-Paul Paulin
Nous ne sommes plus des enfants, Augusto Genina
Taxi de minuit, Albert Valentin
Toboggan, Henri Decoin
Les bateliers de la Volga, Vladimir Strizhevsky
Fanfare d'amour, Richard Pottier
La mascotte, Léon Mathot
Ni oui ni non, Maurice Kéroul et Georges Monca
La dernière valse, Léo Mittler
Mister Flow, Robert Siodmak
La peur, Viktor Tourjansky
Départ à zéro, Maurice Cloche
Forfaiture, Maurice L'Herbier
Kohana (Yoshiwara), Max Ophuls
Mademoiselle Docteur, Georg Wilhelm Pabst
Le mensonge de Nina Petrovna, Viktor Tourjansky
Les nuits de feu, Maurice L'Herbier
Tovarich (Cette nuit est notre nuit), Anatole Litvak
Yoshiwara (Kohana), Max Ophuls
Balthazar, Pierre Colombier
Barnabé, Alexandre Esway
La dame de Shangai, Georg Wilhelm Pabst

Assistante réalisateur (1938-1942)

Le roman de Werther, Max Ophuls
L'esclave blanche, Marc Sorkin
Jeunes filles en détresse, Georg Wilhelm Pabst
Les musiciens du ciel, Georges Lacombe
Paris-New York, Yves Mirande
Elles étaient douze femmes, Georges Lacombe
L'assassin a peur la nuit, Jean Delannoy

Réalisatrice

1943 : Les chevaux du Vercors, court-métrage documentaire
1946 : Les malheurs de Sophie, comédie dramatique d'après le roman de la Comtesse de Ségur
1948 : Sombre dimanche, comédie dramatique
1949 : Gigi, comédie sentimentale d'après le roman de Colette
1950 : Minne, l'ingénue libertine, comédie sentimentale d'après le roman de Colette
1951 : Olivia, comédie dramatique d'après le roman de Dorothy Bussy
1953 : La caraque blonde, western
1954 : Huis clos, drame psychologique d'après la pièce de Jean-Paul Sartre
1956 : Mitsou, comédie sentimentale d'après le roman de Colette
1957 : La garçonne, comédie dramatique d'après le roman de Victor Margueritte
1957 : C'est la faute d'Adam, comédie
1958 : L'école des cocottes, comédie d'après la pièce de Paul Armont et Marcel Gerbidon
1960 : Le secret du chevalier d'Éon, film historique de cape et d'épée
1961 : Pas si folles les guêpes, comédie d'après Cadavres en vacances de Jean-Pierre Ferrière
1962 : Les petits matins, road movie
1965 : Le bonheur conjugual, feuilleton télévisé (13 épisodes) d'après les écrits d'André Maurois
1967 : Fruits amers, drame psychologique d'après la pièce Soledad de Colette Audry
1969 : Le lis de mer, drame psychologique
1973 : Un grand amour de Balzac, feuilleton télévisé (7 épisodes)